Diana Kennedy, artiste-auteur située dans les Vosges.

samedi 3 septembre 2016

Qui sème la merde...

Voici ce qu’on m’avait remis à Maglie:



La fin de mon pèlerinage le 15 Novembre eut en effet eu lieu deux jours seulement  après les attentats de Paris. Mon “jour de gloire” fut sous l’ombre d’une grande tragédie.
Mais la vague de compassion de la part des Italiens était bouleversante. Ce petit cœur crocheté dans les couleurs françaises était un de leurs innombrables message de soutien. Je l’ai encore avec moi, je le prends en main et je sens toute la chaleur de ce jour là.
Si dans les lointaines Pouilles ont pleure sincèrement les victimes de Paris, me suis-je dit, il y a espoir dans ce monde de plus en plus froid.

Entre temps, le malheur a frappé l’Italie sous forme de ce terrible séisme. J’aurais espéré que le même message de solidarité et de condoléance qu’on m’avait jadis offert, retrouve maintenant au sens inverse, le chemin vers l’Italie.

Mais non. A la place de ça, il y a ce dessin dans Charlie Hebdo.Une grosse claque haineuse en plein dans la figure.

Je ne reproduirai pas le dessin en question ici. Mon blog a des impératifs de qualité minimum.

Vous pouvez aller le googler. En résumé, il représente un couple italien plein de sang et de blessures, ainsi qu’un tas de corps sous les décombrs et i l y est marqué: “lasagne, Penne tomate etc. Déshumanisation en faisant des victimes des plats italiens.
Depuis, je me tue à expliquer à mes amis italiens que ce n’est pas “la France” qui dit ça. Qu’un grand nombre de Français trouve ça aussi dégueulasse que moi.

Beaucoup comprennent, d’autre moins et certains se sont pris de haine et de colère envers tous les français.
Et toujours la même question désespérée :  “Pourquoi ? Pourquoi vous faites ça ? Nous avons pleuré avec vous lors de vos heures de douleur et vous nous retournez ça?”

Et je n’ai pas d’explication.

La satire, c’est s’en prendre aux forts, c’est l’irrespect du pouvoir, des institutions. C’est la critique d’une chose, d’une idée, d’un mouvement critiquable.
Mais, putain de bordel, qu'il y-t-il à critiquer chez des gens qui ne vous ont jamais fait le moindre mal, des gens comme toi et moi qui ont été écrasés entre les murs de leurs maisons ?

“la satire peut tout faire” m’a-t-on dit. La satire, oui. Mais là, ce n’est pas la satire. C’est du cynisme, c’est de la méchanceté.

Mais parlons-en des excuses. Faisons la liste des plus entendus:

La soi disante hypocrisie :

*Tiens, avant, vous étiez tous Charlie et plus maintenant?

Plait-il? Je ne savais pas qu’en disant "je suis Charlie" en janvier 2015 on signait un engagement comme quoi on ne critiquerait plus le journal pour au moins 100 ans.

Pour mémoire: “Je Suis Charlie” voulait dire: Je suis pour la liberté d’expression *même* si ce qui est exprimé c’est pourri comme c’est pas possible. JeSuisCharlie voulait dire: “Je ne suis pas d’accord qu’on assassine des personnes parce que’on aime pas ce qu’ils dessinent.” ça voulait aussi dire:" Je ne veux pas que des dessinateurs soient contraints à s’autocensurer, parce qu’il y a des menaces de mort ou parce que des arriérés brûlent des ambassades au moyen orient."

JeSuisCharlie ne veut PAS dire qu’on est obligé d’aimer ce qu’ils font.


* Ah, parce que offenser les musulmans c’est ok et les italiens pas ?

Une religion revendique de la visibilité et de l’influence sur notre vie quotidienne - il est normal qu’il y ait un retour sur ces revendications. Comme quoi se moquer d’une religion et de ses contenus fait partie du débat dans une société.
Les victimes du tremblement de terre n’entrent en rien dans cette catégorie. Des gens comme vous et moi qui n’ont rien demandé et qu’on piétine dans leur malheur.



Les thèses égoïstes

* Si t’aimes pas, t’achètes pas, tu lis pas.

Vous rigolez ? Coucou, c’est le 21 ème siècle qui parle !
Pas besoin d’acheter Charlie à l’ère de facebook et autres réseaux sociaux pour être confrontées avec ses dérives. Qu’on le veuille ou non. D’ailleurs le maire et la population de Amatrice ont été au courant seulement quelques heures après la publication. Comme quoi, on confronte des gens qui sont en deuil, assis dans des tentes à côté des ruines de leur vie avec ce dessin abject.

* Moi j’ai trouvé marrant.

Oh je sais qu’il y en a qui trouvent ça rigolo. Il y en a aussi qui se poilent à la vue des photos des chambres à gaz ou pour les quels une vidéo de décapitation signée Daesh, c’est la grosse rigolade.

Je sais que je quitte l’objectivité là, je le fais en toute conscience:
Franchement, si ça vous fait rire, il y a quelque chose qui tourne pas rond dans votre tête. Allez voir un psy, mais ne demandez pas à ce que votre perception malade soit vu comme un argument valide.

Je ne vous cache pas que ça me fait chier à un niveau stratosphérique qu’un dessin bâclé, niveau fanzine photocopié des années 1980 a été mis dans une position où il a pu créer un impact de souffrance aussi important.
 Et je sais bien que c’est pas Charlie qui va s’excuser. Il vont poster un “le dessin satirique expliqué aux cons”. Encore un. Si au moins ils le nomeraient “expliqué par des cons” ce coup-ci.

Ne nous y trompons pas: L’amitié franco-italienne a pris un sacré coup. Il faudra du temps pour réparer ça, pour soigner les plaies. Je suis effarée et je ne peux, pour le moment, que m’excuser en tant que résidente française et “fumettista”.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire