Alors que je suis contrainte d'attendre ici, dans cette petite chambre de l'hôtel F1 à Stains tout le week-End, autant passer le temps à écrire ce billet et à vider mon sac.
C'est étrange : cette chambre d'hôtel est une cellule de prison et une cachette-refuge en même temps. Tout est en contradiction, je n'ai plus aucune pensée cohérente.
Mais pour les lecteurs qui n'ont pas suivi sur facebook, récapitulons les faits :
Comme tous les ans, j'ai voulu participer à FESTICART' cette manifestation en honneur de la carte postale et de l'illustration en générale. Et comme tous les ans, je me suis pris un hôtel - non à Enghien-les-Bains, ville où la manifestation a lieu, mais dans les alentours de l'île de France.
L'hôtel F1 a Stains proposait un bon deal via Booking.com , 127 balles pour trois nuits. Alors adjugé. En guise de préparatifs, je calculais en ligne le trajet à faire en RER et bus pour me rendre à Enghien-les-Bains le samedi matin.
Hier, la première mauvaise surprise: la gare de Stains La Ceriseraie - est fermée jusqu’au 1er juillet pour cause de travaux. Je dois donc recalculer mon trajet mais...tout le temps, perturbations, travaux. Les différents sites indiquent des différents horaires de bus. C'est un chaos total.
Sur facebook je lance un appell à Covoiturage, taguant l'organisateur de Festicart. Après tout, Enghien n'est qu'à 8 km de Stains, Un petit détour pour dépanner une collègue. Mais aucun retour.
J'opte donc pour un trajet que je me suis bricolée tout l'après midi de vendredi. Le premier d'une série de bus à prendre partirait donc depuis l'arrêt près de l'hôtel à 6h18. ou 19 ou 30 - selon les sources consultées. Quoi qu'il en soit, je suis sur place à 6h30.
Arrive une jeune fille. Elle me demande quand part le bus. Je le lui dis. Elle repart. Ensuite elle revient puis elle se jette sur moi et tente de m'arracher mon sac à main. Je me défends, elle n'y arrive pas, mais alors une autre fille s'amène et celle-ci s'empare de ma valise. Je me défends toujours contre les attaques de la première. En bas, une voiture s'arrête. Je crie au secours. Mais je comprends très vite que le jeune homme dans cette voiture est complice des deux filles qu'il supervise sans doute.
Les deux filles fuient avec ma valise sautent dans une voiture et s'en vont. Je cours vers l'hôtel, de peur que dans une nouvelle attaque on m'arracherait pour de bon la bourse.
Une fois de retour à l'hôtel, j'appelle la police, je dois expliquer au moins 3 fois la même chose, alors que je sens comment mes forces s'évanouissent. Finalement on m’emmène au commissariat pour déposer la plainte. C'est froid, c'est la routine et on me fait comprendre que mon état de choc est exagéré.
Lentement je prends conscience des dégâts : dans le coffre il y avait la clé de ma voiture garée à la gare de Bains. Il y avait aussi la clé de l'appartement de Bâle, où je rentrerai lundi soir.
Il y avait aussi - je ne suis pas sûre - mon passeport. Mon tout nouveau passeport, sponsorisé par le lions Club Bains-les-Bains. Celui qu'il me faudra pour mon voyage aux USA dans pas deux semaines. Si c'est le cas, alors ce voyage aura été saboté lui aussi avec cette agression. Lundi je saurais si ce passport ce trouve quand même à l’appartement à Bâle.
Et puis bien entendu, il y avait des dessins originaux, dont nombre réalisées sur le pèlerinage Aldo Moro. Des cartes postales fraîchement imprimées, des Riverboat. Et mes outils de dessin, un nouveau bloc de papier aquarelle et avant tout, la boîte à aquarelles. Elle seule vaut 150 Euros avec les godets que j'avais acheté en plus.
Il y avait des dessins entamées, la planche actuelle de Riverboat, la nouvelle carte Georgie, un dessin pour un client...
Bref, toute ma "fortune" actuelle. Car j'avais depuis longtemps préparé ce voyage.
Mais tout ça, ce n'est pas le pire...Le pire et cette agression, la perte de ce que le contenu du coffre représente pour moi, ma vue intime. Je me sens violée. Tout simplement.
Je sais que les voleurs vont être "déçus" du contenu, car éh oui, bande de connes et de connards, une artiste dans la précarité n'a pas de bijoux. Il n'y avait pas non plus d’appareil photo, une tablette ou un Iphone dans ma valise . Il n'y a que des dessins et des cartes postales et BD imprimées avec le peu de revenues que j'ai. Ces dessins, ces BD, vous allez les jeter quelque part, comme quoi vous auriez très bien pu me les laisser.
Pour moi, ils représentent mon monde, ma vie intérieure et tout ce qui m'est cher.
Il y a ce changement intérieur que je ne peux pas contrôler, cette angoisse, ces montagnes russes entre les reproches à moi-même et à autrui. J'ai peur de sortir et en même temps je haïs cette chambre d'hôtel qui est, comme je l'ai écrit initialement, comme un cachot. Je me sens en prison alors que ce sont les agresseuses qui devraient être en prison.
J'aimerai sortir AVEC quelqu'un, boire un chocolat chaud en compagnie de quelqu'un qui me pardonnera que je pleure et qui me dit que tout va s'arranger.
Je regarde à travers la petite fenêtre carré, dehors sur les containers qui débordent et les ordures qui traînent partout sur la chaussée dégradée et trouée. Stains est tout simplement un trou dégueulasse.
Mon avion décollera lundi pour me ramener d'abord à Bâle, d'où je retrouverai mes Vosges chéries le mercredi. Et vous, les agresseurs, vous resterez ici dans la merde misérable, puante de votre trou crasseux.