samedi 4 février 2017

L'inégalité est une réalité

"Comment est-ce être une femme dans le monde de la BD?"
"Votre thème est un peu étrange pour une femme"
"Oui on voit bien votre coup de crayon typiquement féminin".
"Ah, c'est VOUS qui dessinez tout ça"?

Liste non exhaustive...

Le Bullshit-Bingo des ténèbres est bien connu par toutes les dessinatrices de BD et se voit régulièrement complété sur chaque salon, festival ou autre manifestation.

Le monde de la BD est un monde profondément machiste.

On est toujours dans la m...

La grande majorité des auteurs de BD est masculin, la grade majorité des lecteurs aussi.
ça commence avec le contenu des BD proprement dit: Soit le femmes ne sont pas présent du tout ou très marginales, des auxiliaires, souvent avec un rôle négatif. Prenons les albums de Tintin: La seule femme ayant un rôle au delà de celle d'une passante dans la rue est la Castafiore.

Une des BDs que j'ai aimé lors de mon enfance fut "Aurore et Ulysse", les deux centaures de la plume de SERON. Même si Aurore et mentionnée en premier, dans les histoires elle reste à l'ombre d'Ulysse.

En 1993, j'avais eu la chance de rencontrer Seron lors du salon de la BD à Zürich. Lors du souper, je lui demandais pourquoi Aurore est toujours passive. "Ah c'est normal, c'est une fille, donc elle subit" répondait-il.

Les femmes, c'est gosses, lit et cuisine

Avec le temps, le monde de la BD a vu davantage de personnages féminins. Mais ce ne fut pas l’émancipation espéré du concept d'un personnage principal féminin, mais plutôt celle des fantasmes masculines :
Toutes ces héroïnes qui manipulent des épées, des mitraillettes ou autres armes, la bouche toujours semi-ouverte, ce sont des fausses héroïnes, parce que elles sont plus occupées à prendre une pose "sexy" que de combattre leur adversaire.

Des seins atomiques? Non. L'arme d'une femme - reste un bon revolver


Ces stéréotypes hyper sexualisées, La représentation de la femme dans la BD est de plus en plus critiquée. Une critique qui est violemment rejetée par les dessinateurs concernées et leur fans. On crie l'alerte à la censure et souvent les insultes les plus basses sont au rendez-vous. Et pourtant:

" Il ne faut absolument pas confondre la demande de prise de conscience, de réflexion et de débat sur ce sujet et une demande de censure prude. La lassitude à voir ce genre de représentation dominer depuis des décennies n’inclut pas le fait de prétendre les interdire.

Simplement : sexualiser des personnages féminins à la moindre occasion, sans le faire avec le masculin, c’est sexiste. C’est de l’objectivation. Érotiser un personnage féminin dans un contexte absolument pas érotique, c’est de l’objectivation."   

Laetitia Coryn  - " Entre objectivation et invisibilisation, tu choisis quoi ?" *
Non, un ventre à poil n'est pas encore "sexualisé"


En effet. Personne ne parle de censure et d'interdiction. Je suis consciente que dessiner, c'est aussi un acte sensuel. L'artiste qui a un besoin érotique à exprimer a le droit de le faire. Des corps, des poses, des situations peu réalistes ? L'art est là pour permettre de visualiser les fantasmes.

Après tout, je suis tout pareille. Je dessine Aldo et JFK bien évidement avec un œil et une main sensuelle. La seule différence à priori, est celle que mes personnages n'ont pas besoin d'avoir le cul ficelé par un String pour me faire ce que font ces dames à leurs dessinateurs mâles.

Ils sont sexy pour moi tout en restant d'abord des individus.
Il est tout beau


L'inégalité serait elle au final, dictée par la nature ? Il est vrai que l’objectivation n'est pas un besoin chez la femme, au contraire, nous sommes, pour la grande partie, toujours à la recherche d'un concept holistique de l'individu. La mise en avant de certaines parties du corps, des fesses, des poitrines sans visage - ça ne nous intéresse pas.

On pourrait presque se dire : Bon, ben c'est comme ça, chacun dessine ce qu'il veut. Liberté artistique pour tout le monde.

Le problème est que cette liberté que les auteurs masculins revendiquent pour eux - férocement sans le moindre compromis, ne nous est pas accordée, à nous...

Combien de fois me suis fait questionner : "Mais pourquoi en tant que femme, tu dessines des hommes?" (hein?)
Ou :  "Tes hommes sont vraiment d'un point de vue féminin, ça se voit". Avec un ton qui sous-entend qu'un "vrai" homme ne s'y reconnait pas.
La masse des personnages féminins absolument irréalistes dans la BD, qui outre de leur absurdité présentent un caractère blessant et abaissant,  ne représente  donc aucun problème, mais des personnages masculins "vu par une femme" oui...

Dans RIVERBOAT le scénario prévoit les retrouvailles d'Aldo et de JFK après leur séparation près du puits.
Vous allez rire, (ou pleurer) mais ça fait des jours que je me casse la tête jusqu'où je peux aller dans la représentation. Ils vont se prendre dans les bras. Horreur!  Même si je renonce à une bise,  je sais déjà qu'il va y avoir des commentaires acidulées, sous entendant c'est immoral, faux, inacceptable. Au cours des 30 ans que je fais de la BD, rien n'a changé.

Alors j'essaie de trouver une pose pas trop "forte" sans pour autant trahir ce qui est en moi...

Et pendant que je réfléchis avec soin où poser tel ou telle main sans que cela ne dépasse les "limites" imposées par le consensus universel, des centaines de dessins sont publiés où des femmes se livrent à des interactions sexuelles plus ou moins prononcées, dans des situations risibles, sans  base émotionnelle, pourtant indispensable pour une femme.
Personne ne s'en offusque, car étrangement, les lesbiennes dans l'art sont les seules à ne pas être concernées par l'homophobie.
Scène à scandale - c'est prévu pour Riverboat 5


Bon, je sais bien que nous ne parlons pas du même genre de BD.
RIVERBOAT étant une BD tout public, personne n'y mettrait des scènes explicites comme dans une BD dite "pour adultes.

Mais je SAIS qu'un dessinateur masculin à qui on confierait RVERBOAT mettrait Misses Sweener et Sigrid Bogenfelde en mini-jupe avec des seins énormes coincées dans un bustier trop étroit et supprimerait totalement le rôle de Claire Lamarne (trop grosse, trop intelligente). Et ça passerait. Oui, sans problèmes.
Alors que moi, voilà, je cherche toujours comment représenter un instant de tendresse entre JFK et Aldo sans que cela ne heurte les âmes "sensibles".

Et ça, ça me peine.

* Lisez cet excellent article sur le site du collectif des dessinatrices de bande Dessinée contre le sexisme :
http://bdegalite.org/objectivation-invisibilisation/




mercredi 1 février 2017

La lourdeur


les jours passés ont été très durs, avec le gel sévère. Stocker de l'au dans des bouteilles que l'on remplit à chaque fois qu'une occasion se présente - une telle situation m'est encore familière de la traversée des Montagnes liguriennes ou encore des champs désertiques de la Toscane. 

Et le gel a fait des victimes : Après la machine à laver, c'est le robinet d’extérieur qui a pété hier nuit, inondant ma cave. Celle-ci, ayant déjà été une descente aux enfers noire et horrible, n'est pas devenue plus accueillante sous la flotte. 
L'humidité monte et a détériorée la trappe en bois, pourtant assez neuve, qui couvrait le trou. Encore un pas en arrière, encore une rechute.

Je suis très fatiguée et me sens souvent surmenée, au bord de l'épuisement. A ceci s'ajoute la culpabilité : Tu n'as pas assez travaillé, tu devrais faire ci, tu devrais enfin faire ça.

Mais je continue quand même à travailler sur mes projets. RIVERBOAT 4 sera bientôt prêt à partir chez l'imprimeur ! Et je continue sur les films. : Crazy Race, Thyla et les autres.


Dans mon esprit, je visualise ce grand instant, quand Thyla sera présente au cinéma de Bains-les-Bains.
Entre temps, vous êtes invité à suivre le processus de réalisation qui durera encore, bien entendu.